Avant propos

 « La prolifération récente des histoires particulières, qui n'ont pas moins de légitimité que les histoires nationales, est...à mettre en rapport avec la perte de force du concept même d'histoire avec un grand H »1 François Hartog.

Mon idée première n'était pas d'élaborer un dictionnaire des peintres bordelais mais de traiter, d'une façon généraliste, de la peinture à Bordeaux sur une période (1850-1950) que l'historiographie locale qualifie de « siècle de repli »2, de comprendre et connaître les rapports entre les artistes et leur public bourgeois et provincial, de dresser une sorte de sociologie de l'art à Bordeaux.

Il faut dire que Bordeaux n'aimait pas trop ses peintres, ni la peinture d'ailleurs. Elle lui préfère, encore de nos jours, l'architecture, l'archéologie, la littérature, la musique ou le théâtre comme le montrent les diverses sociétés et le succès d'un Léo Drouyn ou une revue comme Musique et Arts d'Aquitaine qui ne parlait de peinture qu'à l'occasion des salons. Mais  pour faire cette étude il me fallait embrasser toute la production de l'époque.  

  Je me mis donc en quête de répertoires ou de dictionnaires concernant les peintres bordelais. Or cela n'existait pas. D'autres régions françaises ont aujourd'hui leur dictionnaire : Lyon, le Dauphiné, La Corse, le Languedoc-Roussillon, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Pays basque. Il fallait donc combler cette lacune. Faire un dictionnaire c'est faire un inventaire dont l'objectif est d'être exhaustif.

La sociologue Raymonde Moulin a fait plusieurs études sur le marché de l'art en France et on peut lire dans un de ses articles : «L'usage s'est progressivement instauré, entre les deux guerres et jusque dans les années cinquante, de ne retenir dans l'histoire de l'art du XIXe siècle, que les grandes révolutions artistiques, l'incompréhension du public et la malédiction du génie.

C'est perdre de vue que toute la production artistique du siècle dernier ne s'épuise pas dans les mouvements novateurs et qu'il existe, en dehors d'eux, un art à l'abri des révolutions qui ne saurait être rejeté ni sociologiquement insignifiant, ni comme, en toute circonstance et sans distinction, artistiquement dénué d'intérêt »3. Ce jugement peut également s'appliquer à la production du XXe siècle.
 


1 « La fin de l'histoire majuscule ? » in « L'Histoire en procés »,Le Nouvel Observateur, hors-série, octobre-novembre 2008.
2 Valensi (Louis, commissaire), in Bordeaux 2000 ans d'histoire, Bordeaux, Musée d'Aquitaine, 1971, p.XV.
3 « Les bourgeois amis des arts » in Revue française de sociologie, XVII, 1976, p.383.
 
 
Les définitions du dictionnaire.
 
La période que j'ai choisi de traiter (1850-1950) est, sur le plan des idées et des arts, foisonnante. Dans le domaine de la peinture, elle débute avec l'avènement du réalisme et se termine avec la généralisation de l'abstraction sous toutes ses formes qui s'impose dans les années de l'après Seconde Guerre mondiale. Entre ses deux bornes, les mouvements et les écoles vont se succéder à un rythme jusqu'alors inconnu. Parallèlement à ces avant-gardes, va perdurer la tradition du métier, du « bien peindre », en un mot, de l'académisme. J'ai choisi de ne traiter que des artistes étant en activité entre ces deux dates. Ainsi les peintres nés entre 1930 et 1950 n'y figurent pas. Par contre il est difficile d'affirmer que ceux décédés entre 1850 et 1870 n'étaient plus en activité. C'est pourquoi je leur consacrent une notice.
 
Peintres.
 
Il s'agit d'artistes ayant utilisé la couleur comme moyen d'expression, quelle que soit la technique employée, à l'exclusion des céramistes, des tapissiers et des verriers. Les peintres décorateurs sont donc inclus. J'ai répertorié quelque trois cent cinquante artistes et je n'ai pas voulu faire de tri sélectif. Je ne me suis pas attaché à faire de longues notices sur les « gloires de Bordeaux » sachant qu'elles figurent dans tous les dictionnaires, encyclopédies etc. Au contraire, j'ai apporté une attention particulière aux obscurs, aux oubliés.
 
Collectionneurs, critiques d'art, salons, sociétés et galeristes.
 
Ces vastes sujets sont abordés de façon macroscopique. C'est à dire que j'ai consacré une notice pour ces catégories. Il y a cependant les incontournables comme le collectionneur Gabriel Frizeau ou la société des Amis des Arts. A ceux-là j'ai consacré des notices individuelles.
Bordelais
Y-a-t-il une identité bordelaise ? Afin d'éviter toute logomachie stérile, j'ai défini comme « bordelais » tous ceux qui sont nés en Gironde ou y ont été en activité plusieurs années. Mais pourquoi pas « girondins » ? La région bordelaise est un concept communément admis qui recouvre une réalité historique alors que la Gironde est une division administrative qui peut changer demain. Ainsi figurent dans ce dictionnaire des allogènes comme Auguin, né à Rochefort, ou Jean-Maurice Gay, natif de Paris, parce qu'ils ont vécu à Bordeaux et ont eu une influence certaine sur les artistes locaux. Le manque de documentation m'a souvent arrêté. Un article de journal, un dossier papier m'a fait reconnaître tel ou tel comme bordelais malgré l'impossibilité de trouver les lieux et dates de naissance ou de décès.
 
Les sources
 
J'ai privilégié les sources locales : les dossiers « Peintres bordelais » de la Bibliothèque du Musée des beaux-arts de Bordeaux qui sont classés par siècle et que j'ai compulsés un à un. Le Fonds Marionneau (FM Ms2047) qui est consultable au département des manuscrits de la Bibliothèque Mériadeck, aux Archives municipales les fonds Barincou, le commissaire priseur et Coustet qui comprend un certain nombre de mémoires et de thèses. La Bibliothèque de recherches de l'UFR
d'histoire et d'histoire de l'art, à Bordeaux 3, où de nombreux mémoires ont malheureusement disparu.
 
La bibliographie est assez importante et accessible à la section « patrimoine » de la Bibliothèque Mériadeck. Le « Féret 1889 » et le « Guérin 1957 » couvrent bien la période mais ils répertorient toutes les notabilités bordelaises et ne possèdent pas d'index. Pour le Féret un professeur mr XXXX a fait une extraction des artistes en 2009. Les dictionnaires comme Schurr et Cabanne, Bénézit, AKL, Édouard-Joseph ont été également consultés. Internet, bien entendu, m'a servi pour trouver des sites dédiés à tel ou tel artiste, des citations dans telle exposition ou tel salon. Artprice.com et Artnet.com m'ont permis de trouver des photographies de tableaux passés en salle des ventes et les prix au marteau qui, hélas, ne sont pas toujours 
communiqués.
 
 
Les clés du Dictionnaire.
 
Dans les notices d'artistes, outre une biographie plus ou moins étoffée, sont mentionnés les expositions, les musées où figurent les oeuvres, les ventes les concernant, les photographies de tableaux et la bibliographie. En ce qui concerne les biographies, il m'a semblé inutile de remonter à la prime enfance sauf si elle a eu un impact sur la carrière. Pierre Molinier qui photographie sa jeune soeur sur son lit de mort est un détail biographique qui nous éclaire sur la personnalité complexe et morbide de l'artiste et sur son oeuvre.
La bibliographie est, soit développée lorsqu'il s'agit d'ouvrage non récurrents, soit abrégée comme Bénézit 1999, AKL-IKL, Féret 1889, Guérin 1957... parce que ces références reviennent souvent. L'index bibliographique fournit, pour ceux-là, le détail. Sous cette rubrique j'indique les livres, mémoires, thèses, articles de journaux ou de magazines et les fonds. Ce travail de mémoire m'a semblé indispensable pour apporter à la vision que l'on se fait de la peinture en France durant ces cent années un éclairage provincial et compléter ainsi ce que d'autres régions ont déjà entrepris. Ce dictionnaire a donc pour ambition de faire découvrir d'autres XIXe et d'autres XXe siècles mais il ne peut être considéré, dans son contenu actuel, que comme une
première édition. Puisse-t-il, cependant, contredire ce que Jean-Claude Lasserre écrit dans Bordeaux au XXe siècle : « ...l'activité artistique bordelaise est devenue, depuis longtemps déjà, retardataire et...elle a perdu peu à peu le contact avec les recherches contemporaines.» L'exhaustivité est bien le but recherché : Artistes, salons, sociétés artistiques, collectionneurs, critiques, galeries, tous ces domaines y sont abordés de manière plus ou moins fouillée. J'y ai privilégié les notices consacrées aux artistes. Il reste un énorme travail à faire. J'espère qu'il suscitera des recherches futures.
 
LISTE DES ABRÉVIATIONS USUELLES :
AKL-IKL : Allgemeines Künstlerlexikon Internationale Künstlerdatenbank.(dictionnaire).
ACAD.ou Acad.ou Akad. : académie.
BMBA : Bibliothéque du musée des beaux-arts de Bordeaux.
Bibl. Ou Bibli. : Bibliographie.
BA ; : Beaux-Arts.
Bx : Bordeaux.
Bx-Arts : Beaux-Arts.
Cat. Ou cat. : Catalogue.
Coll.part. : Collection particulière.
Comm. ou comm. : Commissaire. d’exposition.
Dict. : Dictionnaire.
EcBA : École des beaux-arts.
Exp. ou exp. : Exposition.
FM : Fonds Marionneau, suivi de sa cote Msxxxx.
h/c, h/p, h/t : huile sur carton, huile sur panneau, huile sur toile.
Internat. ou internat. : International(e).
MBA ou M.B.A. : Musée des Beaux-Arts.
M.A.M. : Musée d’Art Moderne.
MRBAB : Musée Royal des Beaux-Arts de Belgique.
Mus. : Musée.
Nat. ou nat. : National(e).
RMN ou R.M.N. : Réunion des Musées Nationaux.
S.A.F. Ou SAF.: Salon des Artistes Français.
SAA ou S.A.A. : Société des Amis des Arts.
SdV : Salle des ventes.
Sté ou sté : Société.
T. : Tome
THB : Thième et Becker (dictionnaire).